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François Passolunghi, le titan du rotin

La clientèle de François Passolunghi est prestigieuse et fidèle, ses créations plus en vogue que jamais, il collabore avec les meilleurs designers et restaure pour les musées, parfois jusqu’en Italie. Pourtant, François pourrait bien être le dernier des maîtres rotiniers. Plaidoyer pour un réveil de la vocation.

La matière, il faut la respecter.” Malaca, tohiti, kooboo loonty, poloet, ces noms un peu magiques venus d’Asie évoquent la riche famille des palmiers lianes à l’origine du rotin, que François a appris à connaître et aimer depuis ce jour où, jeune menuisier-ébéniste, il répondit à l’injonction de son père : “Mets-toi là et apprends.” Arlequin à la main, il apprit donc, patiemment, l’art de redresser le rotin. Sa vocation était née. “Aucune machine ne peut faire ça.” Engager dans les mâchoires cylindriques de la table à cintrer la tige de rotin, la jauger pour la ressentir au plus profond des fibres, faire levier de ses deux bras, souples et puissants, accompagnant le mouvement de la hanche, tel un kata d’aïkido, dans une concentration quasi chirurgicale malgré le geste tant de fois répété.

Chauffé sans brûler pour que se détendent ses fibres comme un muscle prêt à l’effort, le rotin se plie à la volonté du maître rotinier dont la science est de sentir les forces et faiblesses de la matière, savoir où plier et jusqu’où afin d’obtenir le galbe parfait en évitant la rupture. Fascinant corps à corps avec la matière, aux allures de rituel hors du temps. Dans les 300 m2 d’atelier de François, on repère des fagots de tout calibre, des gabarits de chaises et fauteuils qui évoquent des patrons et soulignent le mélange de force et de délicatesse que nécessite le travail d’une pièce, assemblée main finement, sans agrafe ni clou. La solidité de ses ligatures, son tressage serré, l’attention au moindre détail esthétique feront naître un plaisir qui dure. “En intérieur, un meuble en rotin est garanti à vie.” Encore cette image du temps qui passe et que François semble avoir emprisonné dans les mailles de poloet, variété de rotin ultra-résistante, ou de rilsan, composite à base d’huile de ricin qu’il utilise pour apporter une touche de couleur dans ses créations.

Aujourd’hui, François est heureux, parmi les oiseaux de cette vallée niçoise, entre la commande d’un grand collectionneur et la préparation de Design Parade auquel, en connaisseur, Jean-Pierre Blanc de la Villa Noailles l’a invité. Seule ombre : qui prendra sa suite ? Avis aux amateur.es.

passolunghifrancois.com

Initialement publié dans Marie Claire Maison Méditerranée