Culture

Maria Gentile, l’Antigone corse

Deux femmes. Deux Corses. La première, Maria Gentile, incarne le refus de l’injustice. La seconde, Marie Ferranti, lui donne l’écho d’une écrivaine contemporaine, transmettant son message avec passion. Un message d’une terrible actualité. Portraits miroir de femmes engagées.

18ème siècle, village d’Oletta, Corse. Un jeune homme est arrêté pour conspiration, puis exécuté, sentence doublée de l’interdiction d’ensevelir son corps. Sa fiancée, Maria Gentile, défie pourtant cet ordre, au péril de sa vie. Parce qu’il existe une morale supérieure à la loi des hommes, parce que l’humanité doit toujours primer sur la barbarie. Maria Gentile est l’Antigone corse. 21ème siècle, cette Antigone inspire la lauréate du Grand Prix du Roman de l’Académie française 2002, Marie Ferranti, qui écrit une nouvelle, puis une pièce de théâtre, publiée chez Gallimard, jouée depuis l’été dernier sur les scènes insulaires. Marie Ferranti nous livre un message, celui de Maria Gentile, celui de la résistance. Extraits de ses propos, saisis sur le vif.

Les Antigones d’aujourd’hui

Maria Gentile est l’incarnation d’Antigone. Elle n’a pas lu Sophocle, mais elle symbolise les valeurs d’un mythe universel : la loi, si elle est tyrannique, doit être non seulement contestée, mais bafouée dans le sens de l’humanité. Rendre une sépulture à son fiancé, c’est lui rendre son humanité. Il y a une si grande résonance avec notre temps, avec ce qui se passe autour de la Méditerranée, avec ces femmes tellement accablées par le malheur, la guerre, l’occupation, la difficulté non seulement à vivre mais à survivre, que c’est un exemple d’humanité merveilleuse. Evidemment, on peut penser à Daesh et à ce que subissent les femmes, les combattantes, les Kurdes. Ce sont des héroïnes discrètes, les nouvelles Antigones. Je crois qu’on peut s’identifier très facilement à Maria Gentile […] et donc à la femme révoltée.

Ne pas s’habituer à la noirceur

Nous sommes dans une période assez sombre de l’histoire, en ce début de 21ème siècle. Faire passer la morale et l‘humanité avant tout évite […] le pire, les extrêmes et les tyrannies prévisibles.

Des voies nouvelles

Le mythe d’Antigone ramène à la Grèce et cela décentre un peu vers le sud. La démocratie est née en Grèce. Les Grecs, même aujourd’hui, trouvent des réponses différentes et peut-être que ce n’est pas étranger à leur formation et à leur histoire. J’espère que ce sera aussi le cas de la Corse, qu’on explorera d’autres voies politiques et qu’on deviendra une sorte de laboratoire. Cela serait passionnant !

Marie Ferranti, La passion de Maria Gentile, Collection Le Manteau d’Arlequin, Gallimard, 2017.
Nous retrouvons La passion de Maria Gentile sur les scènes de l’île et, cet été, sur l’antenne de France 3 Corse Via Stella.