Art de vivre

Quatre cueilleurs d’étoiles dans leur potager de chef

Les pieds dans la terre, la tête aux fourneaux, ces 4 super chefs n’ont que quelques pas à faire pour cueillir dans leur potager herbes folles et légumes gorgés de soleil. Suivons-les dans leur jardin secret, où ils confient leurs astuces gourmandes.

Mauro Colagreco – Traqueur d’essences rares

L’Argentin n’a pas attendu sa deuxième étoile décrochée en 2012 ni son nouveau titre de 4e meilleur restaurant du monde pour nous régaler d’une cuisine fraîche et de saison, toujours ciselée d’herbes et de fleurs méconnues. Sa passion le mène chaque matin dans ses quelques hectares suspendus dans la montagne. Il y passe en revue la levée de la moindre graine, surveille agrumes, aromates, légumes, verdures, racines, fleurs, avec un amour avoué pour sa trentaine de variétés de tomates anciennes. Il les récolte lorsqu’elles sont dignes d’être dégustées dans son restaurant grand vitré sur Menton et sa splendide baie. Ses accords fétiches : petits pois et kiwi ; haricots, cerises et oxalys ; un simple trio de tomates aux goûts, textures et couleurs variés ; fraise et rhubarbe.
L’astuce : « Je passe 2 ou 3 grosses carottes à la centrifugeuse, et plonge dans le jus obtenu celles taillées en dés (ou entières si elles sont nouvelles), avec un trait d’huile d’olive et quelques feuilles de sauge. Je laisse cuire doucement jusqu’à ce qu’elles soient bien tendres. »

Restaurant Le Mirazur
30, avenue Aristide Briand, 06500 Menton, 04 92 41 86 86
mirazur.fr

Nicolas Pierantoni – Fervent adorateur du basilic

Le nouveau chef s’estime chanceux : avec la belle maison qu’Alain Ducasse lui a confiée, il hérite d’un jardin bien rôdé, collectionnant les variétés de basilic – son aromate chouchou –, de courgettes, tomates et autres blettes rouges. Aussi, à la belle saison, son briefing de brigade commence chaque matin au cœur du jardin, pour un moment d’échange, de dégustation et l’élaboration d’une carte qui suit les diktats du potager. Il a bien tenté d’y planter des artichauts mais la terre, trop calcaire, n’en a pas voulu. En revanche, franc succès avec les navets ronds ! Jusqu’en septembre, il concocte des pique-niques dans une malle chic, une autre façon de goûter aux merveilles de son terroir. Ses accords fétiches : duo de courgette violon crue/cuite et ses fleurs en tempura ; marmelade de tomates, basilic et rouget froid.
L’astuce : « Pour le pistou, afin de garder le basilic vert, je le blanchis 10 secondes dans l’eau salée frémissante, puis le refroidis dans la glace. Quant aux tomates, j’ôte les pédoncules et j’incise en croix à l’opposé. Après 10 secondes dans l’eau bouillante, je les jette dans l’eau froide : la peau vient toute seule. »

Hostellerie de l’Abbaye de La Celle
10 Place du Général de Gaulle, 83170 La Celle, 04 98 05 14 14
abbaye-celle.com

Gérald Passedat – Une cuisine pleine de jus

Faut-il encore présenter le chef du Petit Nice ? Seul triple étoilé de Marseille, il essaime désormais sa cuisine dans deux adresses flanquées de potagers. Pour le plus urbain, au sommet du Mucem, il lui suffit de franchir une passerelle menant au Fort Saint-Jean pour cueillir 323 espèces différentes de fruits, herbes ou légumes, dans un jardin de 15 000 m2 en surplomb du Vieux Port. Ce jardin se visite, il vaut la balade. La seconde adresse, dans laquelle il vient de prendre racine, se niche au cœur du vignoble du château La Coste, flanqué de remarquables œuvres d’art. Le potager dessiné par le paysagiste Louis Benech en est une à part entière. Ses accords fétiches : petit pois et menthe ; laurier et langoustines ; tomates bleues et fraises ; fenouil et poisson de Méditerranée, bien sûr.
L’astuce : « Pour détoxifier l’estomac, je propose avant le repas des jus fermentés, pomme-céleri ou poire-fenouil. Leur extraction à froid révèle la quintessence des goûts et garde 100% des vitamines. »

Le Môle
MuCEM, Esplanade du J4, Marseille 2e, 04 91 19 17 80
passedat.fr

Le Louison, Hôtel Villa La Coste
2750, route de la Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade (13), 04 42 50 50 00
villalacoste.com


Edouard Loubet – Le prince aux pouces verts

Sanglé dans sa blouse ancienne en lin, l’un des plus grands chefs du sud a fière allure. Il a surtout une science immense des plantes sauvages, qui émaillent ses menus en symbiose avec celles de son jardin de simples – hysope, livèche, tabac ou agastache pour les plus dingues – ou les fruits et légumes oubliés de son immense potager, purs produits de Provence dont on n’est pas prêt d’oublier la saveur. Autant dire qu’après l’avoir vu nommer, caresser et faire l’éloge de chaque brin bizarre, on passe à table en mode ultra cocoon avec un sentiment de connaisseur transi, et bien évidemment comblé dès la première bouchée. Ses accords fétiches : écrevisse et lait d’amande fraîche ; fromage de chèvre et confiture de tomates vertes ; pintade, sésame noir et jus de coriandre ; noisette et asperge.
L’astuce : « Pour un coulis pas banal, je fais bouillir 500 g d’eau, 150 de sucre et 6 feuilles de laurier, que je verse sur 400 g de cassis. Je mixe le tout et ajoute 1 betterave en mini dés avant de réserver au froid. Très fin sur une meringue fondante, par exemple. »

La Bastide de Capelongue
Les Claparèdes, Chemin des Cabanes, 84480 Bonnieux, 04 90 75 89 78
capelongue.com

Légendes Anthony Lanneretonne, Mariano Caffé / Abbaye de La Celle: Guillaume Czerw / Hôtel Villa La Coste : Richard Haughton / La Bastide de Capelongue : Domaine de Capelongue
Initialement publié dans Marie Claire Maison Méditerranée